Je suis charismatique, hautain, effrayé à l’idée de ne pas exceller, possessif, jaloux, manipulateur, violent, colérique. J’ai peur de l’abandon et j’ai peu d’estime de moi, même si je le camoufle adroitement.

Sauvez-moi.

Comment peut-on devenir… moi ? Une question troublante, limite agressante et pourtant, elle tourne sans arrêt dans ma tête, tirade qui réanime sans cesse une colère grandissante tout au creux de mon ventre. Être né pour exceller ne veut pas dire que ça nous vient facilement. Au contraire… Plus la pression est grande, plus on risque de craquer. Dans ma tendre enfance, si on peut l’appeler ainsi, j’ai souvent craqué. Des pleurs et des hurlements parce que mes pieds étaient en sang de faire des pointes. La fatigue, l’abattement, les moqueries… Les coups de ma mère. Je devais arrêter de me plaindre et devenir le digne fils des Kim, celui qui pourrait danser sur les plus grandes scènes du monde. Leur rêve est devenu le miens, même si je n’étais pas prédisposé à la danse. À force de coups de ceinture et d’hurlement, les principes de cet art exigent me sont entrés dans la tête. Aujourd’hui, je suis un homme gracieux. Un habile danseur à qui il ne faut néanmoins pas demander d’improviser car, même si je ne l’avouerai jamais, je manque complètement d’imagination. Certains vivent pour la danse. Quant à moi, je survie pour la danse. Le concept échappe à certains. Pourtant, la différence est immense…

Une question qui semble s’imposer, c’est de savoir ce que j’aimerais « vraiment » faire. Personne ne comprendrait, car ma réponse serait toute simple. Je désire ce que je suis présentement. Parce que c’est ce pour quoi je suis né. Ce pour quoi on m’a formé. Et je ne désire pas tant faire ce qui me plaît que faire ce qui plaît à mes parents. Pourtant, je les exècre. Ne cherchez pas à comprendre… C’est une question de fierté et d’éducation. S’il faut que je sois le meilleur de ma promotion, alors je le serai. Impossible ? Non, rien ne l’est. Les gens ont tout simplement peur de la perfection, alors que pour ma part, je ne rêve que d’une chose : l’atteindre. Je suis exigeant. Et soyez-en effrayés : je le suis davantage avec les autres. Pour autant, je sais m’entourer et pas nécessairement des meilleurs éléments. Pourquoi entrer en concurrence avec des amis ? Mieux vaut traîner avec de riches bons à rien, histoire d’en être le meilleur parti. Je ne m’abaisse toutefois pas à fréquenter un milieu défavorisé. De toute façon, ces rats ne sauraient pas suivre mon rythme de vie. Entre alcool et dépenses folles, j’aime que mes amis puissent me suivre aveuglément et sans compter à la dépense. Après tout, la vie vaut la peine d’être vécue comme il se doit.

Certains pointent du doigt ma vie d’excès. Probablement entre autre parce que je suis l’exemple cliché du fils de richard. Ah… Oui, je vis aux crochets de mes parents. Ce que je ne regrette pas. Si je peux leur prendre quelque chose, je le prendrai jusqu’à la dernière goutte. Dans le cas qui m’intéresse, jusqu’à la dernière piécette. C’est facile, quand on est unique héritier… Lorsque je quitterai l’école, je serai déjà un danseur étoile. Et lorsque je me serai fait un nom digne de moi, digne des Kim, je pourrai avoir ma propre école de danse classique. N’est-ce pas ce pourquoi j’ai été mis au monde ? Être le meilleur. De toute façon, les jugements des autres ne m’atteignent guère. Pourquoi faire attention à ce que la racaille de ce monde pense de moi ? On n’aime clairement pas les rois lorsqu’on est un bouffon… De toute façon, les indésirables qui me mettent des bâtons entre les roues finissent très vite par le regretter… Toutefois, ce n’est pas tout. Si je n’étais qu’un vil salopard, ce serait beaucoup trop simple, probablement.

Sous mes grands airs, je cache un homme beaucoup plus fragile qu’il ne veut bien l’admettre. Pour défendre cet homme, sans pour autant le montrer à qui que ce soit, je deviens facilement violent. Des paroles dures, blessantes. Des coups parfois même. Et plus je t’aime, plus je frappe fort… Il est si facile de devenir faible lorsqu’on aime. Personne ne peut le comprendre plus que moi. Personne ne peut savoir à quel point l’amour blesse et rabaisse un homme. Pour garder ce que j’ai, je manipule. J’use de paroles douces, tendres, aimantes… Puis doucement, entre deux « je t’aime » se glisse un ruban d’insidieuse amertume. Tels mille serpents venimeux, ces rubans glissent lentement contre ta peau de soie et d’albâtre, se resserrent toujours plus et t’enchaînent à mon lit… Pourquoi quitter la perfection que je suis si tu crois être si minable ? Tout prend un certain sens lorsqu’on l’observe sous le bon angle. Et le soir, quand je suis seul, endormi sur le canapé parce que je n’ai pas eu le courage d’atteindre ce lit glacé de ton absence, tu ne sais pas que j’ai pleuré.