Vous voyez le gamin assis dans un coin de sa chambre, une peluche entre les jambes, qui fixe le sol et est dépourvu de toute joie enfantine ? C'est moi. On ne peut pas dire que je sois un heureux de la vie. Même, certains me considèrent même comme dépressif. Si c'est faux ? Je m'en fous. Et c'est bien mon problème. Je me fous de tout. Je n'ai aucuns avis, aucunes envies, aucuns centres d'intérêts. Mon père est propriétaire d'une immense lignée d'hôpitaux japonais. Ou pour ne pas dire de tous les hôpitaux japonais. Pour sûr, dès que mon nom de famille est mis sur le tapis, on me glorifie sans même que je n'ai demandé quoi que ce soit. Ma famille est si grande. Si belle. Si fortuné. Tellement parfaite. C'est ce que l'on en dit. Ma mère, elle, elle est modèle. Son corps et son visage parfait sont souvent affichés sur les grands buildings Tokyoïtes. Quand on me voit, on s'exclame toujours gaiement que j'ai les traits de ma mère. Que je suis d'une rare beauté à couper le souffle. On m'a présenté des tonnes de jeunes filles. Certaines étaient jolies, d'autres non. Je n'y portais jamais d'intérêt. Je préférais rester dans le coin d'une pièce, bras repliés sur mes genoux, tête enfouie entre mes bras. Et j'attendais. Je voulais qu'on m'oublie, qu'on se concentre sur quelqu'un d'autre. Que l'on ne me dise pas aussi beau que ma mère, aussi intelligent que mon frère et chanceux d'être né dans cette famille fortuné. Bien sûr, j'adorais avoir l'avantage de l'argent – mais c'était la seule chose plaisante qu'il y avait. Et encore, puisque rien au monde ne me faisait plaisir, on ne pouvait pas dire vraiment que j'en profitais. Je restais muré dans le silence, constamment. J'avais peur d'ouvrir la bouche. De faire honte au si bon orateur qu'était mon père. D'enlaidir le visage de ma mère. Ce n'est pas vraiment que j'étais vulgaire, rebelle ou anticonformiste – c'est simplement que j'avais une vision du monde différente de celle des autres. J'accordais ma moindre attention aux choses considérées comme non-importantes. Je délaissais ce qui l'était. Penses-tu que les étoiles représentent tous les péchés que nous avons commis ? J'ai lu ça, dans un livre. chuchotai-je à mon ourson en peluche. Même maintenant, il est avec moi. Mon seul ami.
Quand la pression a commencé à être trop grande sur mes épaules, j'ai basiquement prétexté la première connerie pour quitter le pays. Mon père voulait que je fasse des études scientifiques afin de devenir un grand médecin à mon tour, et j'ai trouvé étonnant qu'il soit d'accord avec mon idée saugrenue d'aller passer un an dans plusieurs pays afin de maîtriser chacune de ces langues pour que les étrangers soient tentés de venir dans nos hôpitaux plutôt que d'autres. Après un an en France, un second en Chine, un troisième au Royaume-Uni, j'ai volé vers la Corée du Sud. Je ne veux pas reprendre cette affaire familiale, tout ce que je veux moi, c'est confectionner des peluches pour les enfants seuls au monde comme j'ai pu l'être.
Parce qu'au final, sans mon ourson, je ne serais plus de ce monde.